Il est étonnant de voir comme la pratique de l'internet et des réseaux électroniques modifie les comportements de l'humain et des méthodes, préceptes et autres consignes mis en place.
La liberté virtuelle engendre une débauche de statuts que l'individu, la société, la collectivité, l'entreprise, adaptent à leur propre fonctionnement, parfois sur les conseils d'une agence de communication qui dira tout et le contraire de sa voisine.
C'est une constatation que, au delà des nombreuses communications virtuelles de tout poil auxquelles nous sommes confrontés, j'ai ressenti en visitant pratiquement toutes les Archives Départementales en ligne. Généalogistes, chercheurs, farfouilleurs de documents rares, étudiants, connaissent le cadre de classement ainsi que les différents termes employés ; repères et aides dont nous avons besoin pour situer les documents convoités. Des quatre coins de la France (sic), cette nomenclature est donc comprise et l'échange linguistique devient possible.
Si les lexiques, voire l'ensemble du cadre de classement, sont assez souvent disponibles sur le site de référence, il n'en va pas de même, sur le même site, de l'accès aux documents, de la méthodologie de recherche et du classement des dits documents.
On constate ainsi que les documents d'état-civil peuvent être rangés dans une catégorie nommée "Généalogie", catégorie pouvant aussi contenir des archives militaires, quelques recensements et peut-être deux ou trois tables de succession ; le reste ne devant pas intéresser le généalogiste, dommage. D'autres services vous mèneront, par des chemins détournés, au traditionnel cadre de classement : on s'y retrouve ! Pour d'autres encore il faudra enclencher une "recherche thématique" ou une "recherche simple" ou bien encore, dans quelque lien d'un protocole ignoré, aller voir soit le fonds d'archives, soit la recherche généalogique, soit ...
De quoi se perdre et hurler dans de vieilles salles virtuelles où vous échouez lamentablement : "Je veux l'acte de mariage de mon arrière-grand-père Louis et de sa femme Lucette !"
Petit détail supplémentaire que j'aime beaucoup : pour certaines AD l'icône en forme de loupe vous amène au document, pour d'autres cela vous donne des précisions sur ledit document ...
N'osons donc pas parler standardisation et confort de recherche du quidam qui a déjà bien du mal à éviter les propositions de lave-linge, de séjours à la Guadeloupe ou de sites pornographiques parce qu'un jour on a tapé dans la recherche Google "Né sous X". L'utilisateur du site d'Archives aura donc à bien se familiariser avec les différents liens, expressions, classements propres au lieu qu'il visite ; de même qu'il lui faudra faire le tour et comprendre les fonctions et boutons de navigation du visualiseur de documents. Une fois cela appréhendé, il faudra, dans 75% des cas, recommencer pour un autre site d'Archives, même si, heureusement, les visualiseurs sont quelquefois les mêmes.
Le généalogiste "multi-cartes" des Archives Départementales en ligne que je suis, doit donc s'adapter à chaque fois, se rappeler que sur ce site l'état-civil est rangé dans la rubrique "Je fais ma généalogie" et pas dans "Rechercher", mais que dans un autre il me faut taper "Table" dans un moteur de recherche pour accéder aux tables décennales etc.
Nous sommes donc bien loin du cadre de classement, bien loin d'une ergonomie commune, bien loin d'une communication, souhaitée facile, et constatée à géométrie locale. Chaque Webmaster fait selon ce qu'on lui demande vaguement ou trop précisément, en fonction de la mode ou de l'air du temps, selon qu'il est bien ou mal payé, parfois sous la pression de hordes de généalogistes et d'élus soucieux de leur image réclamant à cor et à cri la "mise en ligne".
Ne nous retrouvons donc pas dans la peau de nos ancêtres confrontés aux multiples standards régionaux de leurs époques respectives ? L'abandon de ces standards, nationaux, voire internationaux pour un grand nombre, au profit d'une "facilité d'utilisation" par le quidam abêti, qui ne demanderait peut-être d'ailleurs qu'à être correctement formé et informé plutôt que gavé de sollicitations sur la simplicité, est un repli identitaire local, destructeur de connaissance.
Les grands sites de recherche généalogique, dont la facilité d'emploi est proportionnelle aux erreurs qu'ils transmettent, remplacent peu à peu cette recherche essentielle et basique qui fait toute la saveur et la véracité d'une communication généalogique. C'est là notre avenir de généalogistes, le présent grignote le passé et ses apports essentiels. Le futur dessine de nouvelles perspectives auxquelles il nous faudra quand même nous accrocher si nous ne voulons pas être dépassés, mais par quoi au fait ?