Les premières notions de généalogie que l'on vous donne n'omettent jamais de traiter de la numérotation des personnes. Reconnaître, identifier, classifier et répertorier les individus grâce à des ensembles de nombres est une manie humaine qui n'a d'équivalent que dans l'identification par des ensembles de caractères définissant des noms, des prénoms, des surnoms, des prête-noms et des alias en tout genre. Cette manie généalogique a des répercussions assez inattendues puisque l'on nomme un ancêtre dans une lignée directe un "sosa" ; de cette fameuse numérotation dite "Sosa-Stradonitz", ne portant d'ailleurs même pas le nom d'une mais de deux personnes ! On apprendra ainsi au futur généalogiste qui vous regardera, du début de votre intervention à la fin, avec des yeux écarquillés et la bouche pendante, que les hommes ont des numéros pairs, les femmes des numéros impairs et que les uns sont les multiples des autres et que les autres sont les multiples des uns moins un ! Ainsi on débutera avec le n°1, qui pour une fois ne sera pas forcément une femme (vous suivez ?), et l'on continuera avec son père, le 2, puis sa mère, la 3 (là c'est bien impair et c'est une femme !), et ainsi de suite. Ce qui vous permettra de connaître vos ancêtres en se référant au n° 1.391.114.240, ce qui, vous l'avouerez, est nettement plus commode et parlant que de dire "Eudes de BLOIS", vous rajouterez en plus qu'il est l'époux du n° 1.391.114.241, ce qui est d'une facilité reconnue par rapport à "Ermengarde d'AUVERGNE".
Je ne suis pas un numéro ! Nos logiciels, nos ordinateurs ont cette capacité, même s'ils ne traitent que des chiffres, de pouvoir nous proposer des représentations de généalogies comportant des noms, des prénoms, des surnoms, signalant par divers symboles une lignée directe, des personnes sans descendance ou sans conjoint, tout un ensemble de visualisations ne nécessitant pas la présence d'un numéro quelconque.
Je ne fais pas souvent porter de numéros dans les généalogies que je propose. De plus, je n'arrive pas à visualiser la 3.561 par rapport au 1.112 ; je ne vois pas ce que cela apporte ... Connaître les noms, leurs variantes et déformations, leurs situations géographiques et constater des implexes autrement que par une suite de nombres m'importe plus. Le numéro c'est ringard, archaïque et nécessaire à nos assurances maladies et autres organismes gouvernementaux pour nous retrouver et nous identifier définitivement. Le généalogiste recherche des noms, identifie des personnes grâce à des actes, des traces dans de nombreux documents, reconnait, différencie tout ce beau monde, collecte tout cela et ... colle un numéro ! Découvre-t-on que le n° 334 est le fils de 668 parce qu'on a recherché ce numéro dans un registre ?
Et nous n'avons pas encore évoqué la numérotation d'Aboville qui, traitée dans la foulée de l'apprentissage Sosa-Stradonitz, vous laissera pantois face à des 1.1.1.1.1.1.2.1.1.1, des 1.2.2.1.1.1.1.2 etc... Numérotation qui changera à chaque fois que vous trouverez un nouveau personnage s'intercalant au milieu de ses frères et soeurs ! Non, décidemment, je ne suis pas, et mes ancêtres non plus, des numéros. Que les ordinateurs traitent cela dans leur coin, laissant au soin des développeurs le plaisir de numéroter à tout va. C'est cela qui fait la force de l'informatique, des logiciels, de l'internet et du reste : nous n'avons plus à nous préoccuper de ces empilades de chiffres et de nombres, le programme le fait pour nous et l'interface nous livre tout ce dont nous avons besoin : une vraie vie avec des vrais gens et de vrais événements, quelle que soit la période et quelles que soient les personnes.
Ne commençons donc pas à asséner ces lourdeurs à nos débutants en généalogie, laissons leur parler de leurs grands-parents, de la mamie Henriette et du tonton Jacques, celui qui était marié à la Jeannette MARTIN du bourg, la fille du Dédé, le maréchal (ferrant bien entendu !). Et puis si un jour un de ces débutants, passionné de chiffres, veut se lancer dans de belles numérotations, il aura tout le loisir de le faire, de s'y amuser, au même titre que certains généalogistes préfèrent programmer que chercher ou bien donner des recettes de cuisines de leurs grands-mères.
Je ne suis pas un numéro, j'en suis d'ailleurs plusieurs, en ascendance, en descendance, à l'INSEE, au téléphone, avec ma banque, sur internet ...