Légendes et curiosités des métiers
Par Paul Sébillot - Paris 1894
Si un de vos ancêtres est meunier, boulanger, pâtissier, boucher, fileuse, tisserand, ouvrière en gaze, cordier, tailleur, couturière, dentellière, modiste, lavandière, blanchisseuse, cordonnier, chapelier, coiffeur, tailleur de pierre, maçon, couvreur, charpentier, menuisier, boisier, sabotier, tonnelier, charron, tourneur, peintre, vitrier, doreur, bûcheron, charbonnier, forgeron, chaudronnier, serrurier, cloutier ou imprimeur, l'ouvrage de M. Sébillot vous intéressera très certainement.
Orné de 220 gravures, mal reproduites dans la version mise en ligne par Gallica, l'ouvrage porte sur l'histoire familière des métiers d'ouvriers. L'auteur checrhe à combler un vide qu'il a constaté lors de ses études sur les traditions populaire : les traditionnistes de son époque se sont plus attachés à décrire les paysans, parfois les marins, que les ouvriers, dit-il.
Une longue enquête, la lecture de nombreux ouvrages, l'écoute des uns et des autres ont permis à l'auteur d'aller à la rencontre des artisans, de leurs coutumes, des légendes attachées à leur métier et de tout ce qui en régit la bonne conduite. Proverbes, chansons, contes, cérémonies, compagnonnage, croyances populaires et nombreuses anecdotes jalonnent les chapitres consacrés à un métier. Les sources bibliographiques, pour chaque métier, sont présentées en fin de chapitre.
Une fable turque à propos des charpentiers :
Un charpentier glissa, bien contre son gré, du haut du toit dans la rue ; dans sa chute il tomba sur un passant qui fut tué du coup. Le fils du mort appelle le charpentier en justice, réclamant contre lui l'application de la peine du talion pour le meurtre commis par lui. Le juge entend l'affaire et prononce aussitôt l'arrêt suivant : Conformément à la loi sacrée, nous décidons que tu monteras sur la maison dont il s'agit ; le charpentier se tiendra à l'endroit même où se trouvait feu ton père au moment de sa mort, et tu te laisseras choir du haut du toit sur le défendeur. Ainsi sera-t-il mis à mort comme l'ordonne la loi.
Et qui n'a pas, un jour, rencontré un tisserand dans sa généalogie ?
La plupart des surnoms que portent les tisserands font allusion à la posture de ces artisans, que leur métier oblige à être toujours assis ; à Rennes, on les appelait autrefois "culs branoux" (malpropres), sobriquet qui rappelle celui de "culs gras", que portent encore les gens de Marey-sur-Tille (Côte-d'Or), village où l'on tissait les draps au siècle dernier ; à Troyes, ce sont des "culs brassés" (secoués) ; en Haute-Bretagne, des "culs de châ" ; le châ est une sorte de bouillie d'avoine que l'on met sur la traine pour faire la toiel. C'est l'emploi de cette substance qui a donné lieu à ce dicton ironique : "Sans le pot de colle, le tessier serait noble".