On se rappelle sans doute cet assassinat d'une nommée Emélienne MONTEVILLE, commis à Calais, au commencement de novembre dernier, par un sieur DELANNOY, forgeron, de complicité, paraissait-il, avec un sieur WARRON, ancien contrebandier belge. Tous deux avait disparu, et depuis, malgré toutes les recherches de la justice, on n'avait pu retrouver leurs traces.
C'est le sieur DELANNOY lui-même qui vient de donner de ses nouvelles dans une lettre datée de Genève et adressée à son ancien patron, M. LEGROS, serrurier mécanicien à Saint-Pierre-lès-Calais.
Dans cette lettre, aujourd'hui entre les mains de la justice, il confesse son crime, disculpe son compagnon WARRON, mais incrimine violemment un capitaine français de la marine marchande, à Calais, au moment du crime, qui avait eu des relations avec la victime, et dont il se montre encore excessivement jaloux.
Il reconnait hautement que c'est l'inconduite et l'ingratitude de la fille MONTEVILLE qu'il a voulu punir en la tuant d'un coup de marteau pendant son sommeil, et il ajoute en effet que c'est pour elle qu'il a abandonné sa femme et ses enfants, et qu'il a mangé tout son avoir, qui s'était élevé jusqu'à 25000 francs.
Loin d'exprimer le moindre repentir de son crime, il dit qu'il le commettrait de nouveau, tant il le considère comme une sorte de justice. Puis il se laisse aller à d'horribles blasphèmes, et enfin il fait de la plaisanterie à propos des bons gendarmes, avec lesquels il se vante d'avoir joué aux cartes pendant sa fuite, un soir qu'il se trouvait dans une auberge des environs de Saint-Pol.
A Calais, on ne craint qu'une chose, c'est que DELANNOY, arrêté, ne soit condamné à mort; que l'horrible guillotine ne soit élevée sur la place d'armes, et qu'une tête ne tombe sous le sanglant couteau, dans cette vieille cité historique, qui a su se préserver, avec tant d'énergie et de bonheur, des excès de 93, la peine de mort soulève de violentes répulsions, et cela fait son éloge.
Emelienne MONTEVILLE, âgée de 34 ans, fille de confiance, née à Wenduyne (Belgique), domiciliée à Calais (Pas-de-Calais), fille de Jean MONTEVILLE, âgé de 69 ans, journalier, et de Cécile DUVERD, âgée de 68 ans, journalière, est décédée à Calais, le 4 novembre 1863.