Il vient de mourir à Denonville, écrit-on au Journal de Chartres, une fille de quatre-vingts ans qui, depuis plus d'un demi-siècle, s'était condamnée à un silence absolu. Elle n'a pas assurément prononcé vingt paroles depuis 1810, encore ne lui ont-elles échappé qu'à plusieurs années d'intervalle.
Pendant cinquante ans, ni les caresses, ni les menaces, ni la misère, ni les infirmités, ni la maladie, pas même la mort de ses proches, rien enfin ni personne n'a jamais pu lui faire dire un seul mot.
Sa nièce, qui l'a soignée avec un dévouement absolu pendant les quinze dernières années de sa vie, lui a à peine, pendant tout ce temps, entendu prononcer deux ou trois paroles.
Elle n'était pas muette, et les organes de sa voix étaient régulièrement conformés. Les personnes de son âge s'accordent à dire que dans sa jeunesse elle était une des plus jolies, des plus gaies, des plus aimables jeunes filles du pays. Faudrait-il attribuer ce mutisme volontaire à ce que, étant devenue sourde dès l'âge de vingt-deux à vingt-trois ans, elle se croyait la risée de tous? Cette raison aurait été la cause de cette espèce d'exil moral de la société?
Anne Marguerite MARQUIS, née le 20 juillet 1787, à Denonville (Eure-et-Loir), fille des défunts Jacques et Christine MARDELET, est décédée à Denonville, le 25 novembre 1863.
Jacques MARQUIS, fils de Claude, et de Catherine RATON, s'est marié le 14 janvier 1772, à Denonville, avec Christine MARDELET, fille de Jacques, et de Benigne RENARD.