Dans la nuit du 15 au 16 décembre 1855, un crime horrible fut commis à Fitou, arrondissement de Narbonne. M. BARRIER, beau-frère du maire de cette commune, fut frappé dans son lit de quatorze coups de couteau. La servante de M. BARRIER, Marceline MESTRE, accusée de complicité dans la perpétration du crime, fut condamnée, après trois jours de débats fort animés, aux travaux forcés à perpétuité par la cours d'assises de l'Aude, le 9 juin 1956. Elle dit alors pour sa défense que la nuit du crime, ayant entendu du bruit, elle s'était levée, et, traversant la pièce qui séparait sa chambre de celle de son maître, elle s'était rendue auprès de lui; que là elle se trouva en face de cinq hommes qui la terrassèrent en lui faisant des menaces de mort si elle poussait un seul cri. Elle ne put pas désigner les assassins à la justice, en supposant qu'ils ne fussent pas étrangers au pays, parce que, disait-elle encore, ils avaient tous le visage couvert jusqu'aux yeux avec des mouchoirs. Elle ne put donc donner l'alarme au voisinage qu'après le départ des assassins.
Depuis ce crime, la commune de Fitou, jusque-là fort paisible, est dans un état déplorable ; elle s'est divisée en deux camps, et chacun accuse l'autre d'avoir trempé dans le forfait. On veut même donner à cet assassinat une couleur politique qu'il n'a probablement pas. Des dénonciations nombreuses sont parvenues, dit-on, dans ces derniers temps, à la justice, et une instruction nouvelle a été commencée. A en croire les passions si malheureusement surexcitée dans cette commune, les coupables instigateurs ou acteurs du crime seraient très nombreux. Les bruits recueillis à Fitou même entourent ce crime de circonstances tout à fait exceptionnelles : on veut y voir les détails les plus cruels et les plus tragiques.
M. BARRIER n'était pas un homme politique. C'était un riche habitant de Fitou, veuf après avoir été marié deux fois. Il faisait beaucoup de bien et prêtait des sommes considérables. Il passait pour avoir toujours chez lui des sommes d'une certaine importance. On n'en a trouvé qu'une insignifiante après sa mort. La crédulité publique croit retrouver des traces de ces sommes partout. Dès qu'un parent des personnes soupçonnées mal à propos certainement d'avoir pris part au crime, étend ses affaires ou marie une fille ou un fils, on s'imagine que c'est avec l'argent ensanglanté de la victime. On peut juger par-là de l'état des esprits.
Dans les premiers jours qui s'écoulèrent après le crime, la servante était si peu soupçonnée, qu'un membre de la famille BARRIER allait la prendre à son service; mais des indices, notamment une chemise tachée de sang sur la poitrine, motivèrent son arrestation. Trois autres personnes furent aussi arrêtées. Dès les premiers pas de l'instruction, deux furent relâchées; mais un individu qui avait été retenu fut renvoyé par la chambre de mise en accusation. Cet homme passait pour l'amant de Marceline MESTRE ! C'était ce même individu qui avait dit le lendemain de l'assassinat qu'il fallait chercher les coupables dans un certain parti et qu'il se faisait fort de trouver les assassins les yeux bandés.
Si on voulait ajouter foi aux rumeurs qui circulent, l'un des assassins, aussitôt après le crime, serait allé prendre un homme qui demeure sur un coteau assez loin de la maison BARRIER, et, l'introduisant dans la chambre de la victime, il lui aurait proposé de couper le corps en quatre morceaux, pour les porter en différents endroits qu'il lui aurait indiqués. Comme le corps de M. BARRIER était fort pâle et que le drap qui le recouvrait était à peine ensanglanté à la région du coeur, on se plut à dire que le sang avait été recueilli dans des corbeilles de jonc très-serré, en usage dans ce pays, et dans lesquelles on avait eu la précaution de mettre de la cendre. Mais l'autopsie constata un épanchement intérieur qui s'explique par la nature des blessures faites avec des lames peu épaisses à un homme ayant une position horizontale.
L'information que fait en ce moment avec beaucoup de soin M. DARTIGULONGUE, juge d'instruction près le tribunal de Narbonne, lèvera probablement le voile qui couvre une affaire si mystérieuse. Cinq personnes ont été arrêtées tout récemment. De nombreux témoins ont été entendus. Marceline MESTRE a été extraite de la prison centrale de Montpellier, où elle subissait sa peine. Elle a été confrontée avec les nouveaux inculpés. Tout le monde désire que l'instruction puisse assigner à cette affaire son véritable caractère.
(Messager du Midi)
Pierre Antoine BARRIER, propriétaire, âgé de 64 ans, veuf en secondes noces de Marie GAUTHIER, fils de feu Fabien Antoine BARRIER, et de vivante Josephe SOUCAILLE, est décédé à Fitou (Aude) le 16 décembre 1855.
Pierre Antoine BARRIER, agriculteur, âgé de 23 ans, né et domicilié à Fitou, fils de Fabien BARRIER, agriculteur, et de Josephe SOUCAILLE, s’est marié le 18 novembre 1813, à Fitou, avec Jeanne GAUFFRE, fille de Pierre, propriétaire et maire de la commune, et d'Elizabeth VIDAL. Mariés par François BARRIER, adjoint.
Jeanne GAUFFRE, âgé de 24 ans, épouse de Pierre Antoine BARRIER, propriétaire, fille de Pierre GAUFFRE, propriétaire, et de feue Elizabeth VIDAL, est décédée le 6 décembre 1820 à Fitou, dans la maison de Fabien BARRIER, son beau-père, située dans la Grand Rue.
Esprit Joseph Marie Rose ABELANET, propriétaire, âgé de 23 ans et 4 mois, assisté de Rose GELIEN, sa grand-mère, né et domicilié à Fitou, fils de Joseph ABELANET, absent depuis environ 20 ans, comme il résulte d'un acte de notoriété délivré par le juge de paix de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), le 22 mai 1821, et de Marianne SINGLA, décédée à Rivesaltes le 19 mai 1801, s’est marié le 12 juin 1821, à Fitou, avec Marie Elizabeth BARRIER, âgée de 22 ans et 4 mois, née et domiciliée à Fitou, fille de Fabien Antoine BARRIER, propriétaire, et de Josephe SOUCAILLE.