Un jeune homme âgé de vingt-deux ans, Léon-Napoléon BAGOT, charretier, né à Clichy-la-Garenne (Seine) était traduit hier devant la Cour d'assises de la Seine, présidée par M. MONTSARRAT, comme accusé d'avoir volontairement porté des coups et fait des blessures à son père.
BAGOT avait naguère un cheval et une voiture avec lesquels il exerçait la profession de voiturier, mais il s'adonne habituellement à l'ivrognerie, et lorsqu'il est en état d'ivresse il perd la raison et devient brutal, à tel point qu'à force de frapper ses chevaux il les a fait périr et a vu se perdre avec eux son commerce de voiturier.
Il est venu alors se réfugier chez ses parents ; puis, ne se contentant pas d'y recevoir le logement et la nourriture, il a voulu obtenir d'eux de l'argent. N'ayant pu y réussir, il les a quittés, et depuis cette époque il n'est sorte de menaces dont il ait poursuivi ses parents pour les faire revenir sur leur refus ; enfin des menaces BAGOT est bientôt arrivé aux coups.
C'est ainsi que le 19 juin, vers huit heures du soir, la femme BAGOT mère rencontra dans la rue, non loin de sa demeure, l'accusé qui lui demanda impérieusement 2 fr. Sur son refus, elle entendit BAGOT proférer de telles menaces, qu'elle s'enfuit à son domicile en suppliant son mari, qui était devant la porte, de rentrer chez lui, parce que son fils allait lui faire un mauvais parti.
BAGOT fils s'était en effet précipité sur les pas de sa mère, et, avant que son père ait eu le temps de fermer la porte, il se jeta sur lui, le terrassa à coups de pied et à coups de poing, et lui porta avec un bâton deux coups qui l'étendirent sur le sol et qui ont entraîné une incapacité de travail de près de vingt jours.
Ce n'était pas la première fois que BAGOT était la victime de la brutalité de son fils, et dans le cours de l'instruction il a fait connaître que déjà dans trois circonstances, dont la première remonte à deux ans, il a été l'objet de ses violences.
La femme BAGOT, qui, à l'occasion de la scène du 19 juin, était allée porté plainte au commissaire de police, a depuis cherché, devant le juge d'instruction, à atténuer l'effet de ses déclarations premières et à excuser son fils en disant que s'il avait plusieurs fois frappé son père, c'était parce qu'il intervenait pour la défendre dans les querelles qu'elle avait avec ce dernier ; toutefois elle a avoué que dans la soirée du 19 juin tous les torts ont été du côté de son fils.
Un témoin désintéressé, la dame NOËL, a déclaré également que ce jour là BAGOT avait grossièrement injurié sa mère et violemment frappé son père sans aucune provocation de la part de ce dernier, et l'accusé lui-même a été obligé de le reconnaître. Ce témoin a ajouté que BAGOT est un mauvais sujet de la pire espèce, un furieux capable de tout et redouté dans les environs, et que ses jeunes sœurs ont été plusieurs fois l'objet de ses mauvais traitements.
M. ARMET de LISLE, avocat général, a soutenu l'accusation.
Me Edouard LÉON a présenté la défense.
Déclaré coupable par le jury sur toutes les questions, mais avec des circonstances atténuantes, Léon BAGOT a été condamné à quatre années d'emprisonnement.
Laurent Napoléon BAGOT est né le 15 décembre 1840, à Clichy (Hauts-de-Seine), fils de Nicolas Léon BAGOT, tireur de sable, âgé de 29 ans, demeurant au Pont d'Asnières à Clichy, et de Virginie Elisabeth JUMENTIER, âgée de 23 ans.
Nicolas Léon BAGOT, marinier, né à Bièvres (Essonne), le 8 décembre 1811, fils de Nicolas, journalier, et de Annette HARCORT, époux de Virginie JUMENTIER, âgée de 52 ans, demeurant 27 rue de Lévis à Paris, est décédé à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), 77 route d’Asnières, le 17 octobre 1870. Marie Napoléon BAGOT, âgé de 30 ans, voiturier, demeurant à Levallois-Perret, 77 route d’Asnières, fils du défunt, déclare le décès.
Jacques BAGOT, journalier, âgé de 61 ans, veuf de Marie Honoré BORDEAU, époux de Magdeleine RIVET, est décédé à Bièvres, le 15 mars 1810. Nicolas BAGOT, journalier, âgé de 25 ans, fils du défunt, déclare le décès.