Le 24 au soir, le banquet offert par M. le préfet de la Loire à M. le comte de PERSIGNY et aux membres du conseil général a été subitement troublé par la sinistre nouvelle qu'un terrible accident venait d'arriver aux portes de Saint-Etienne, sur la ligne du Bourbonnais, et avait fait de nombreuses victimes. Ce bruit lugubre n'était que trop vrai.
Aussitôt, M. de PERSIGNY, accompagné de M. le préfet, de MM. le vicomte de MOUGY, EXELMANS, de ROCHEFORT, TÉZENAS, LARRIBE, de MM. Abel GAY, procureur impérial ; ALLUT, juge d'instruction ; GRAËFF, ingénieur en chef ; SOREL, commissaire central, etc., s'est empressé d'accourir sur le théâtre de l'évènement. C'était horrible : quatre cadavres affreusement mutilés gisaient sur le sol. Voici ce qui était arrivé :
Le train qui passe à Saint-Etienne à 5 heures 47 minutes avait été signalé comme ayant un retard assez considérable. On crut cependant pouvoir faire partir le train d'Andrézieux, qui d'ordinaire suit l'express à quelques minutes d'intervalle. Ce train s'arrêta à La Fouillouse pour y prendre de l'eau ; il avait encore une minute à rester en gare lorsque tout à coup on entendit de loin la marche accélérée de l'express. La panique fut générale.
Un employé conservant son sang-froid, le sieur ALLARD, piqueur de la voie, courut aux portières et les ouvrit. Ce fut un sauve-qui-peut épouvantable, pendant lequel l'express qui allait à toute vapeur puisqu'il avait déjà depuis Château-Creux, regagné quatre minutes, arriva sur le train d'Andrézieux et broya les wagons de queue, sans se préoccuper des signaux d'avertissement du disque.
On a relevé quatre morts : Mme RODET, du café de la Perle ; M. HEURTIER, ancien avoué, le frère du conseiller d'État ; M. SABLIÈRES, fabricant de velours ; et un ouvrier dont le Mémorial de la Loire, qui rapporte ce fait, n'a pu nous procurer le nom.
Les blessés n'ont pas été comptés ; il parait y en avoir un nombre assez considérable (douze ou quinze dit-on), notamment Mme VENDRE, qui a eu une côte enfoncée et a reçu de fortes contusions ; Mme EMONNET, tailleuse à Saint-Etienne, dont l'état inspire les plus vives inquiétudes ; Mme CHAILLOT, qui a une jambe cassée ; Mme AUGIER, femme du chef de gare de la Renardière ; et Mlle RODET qui, renversée par le choc sur le cadavre mutilé de sa mère, a reçu de graves contusions et a eu le visage profondément déchiré.
Le docteur PITIOT était dans le train ; il s'est précipité sur la voie ; il a été bientôt rejoint par les docteurs GIRAUD, médecin de la compagnie, RIEMBAULT et GALLOIS ; ces médecins secondés par leurs confrères de la Fouillouse, ont donné les premiers soins aux blessés. Un wagon spécial a ramené en ville, dans la nuit, Mlle RODET, Mme CHAILLOT et Mme VENDRE. Mlle EMONNET a été transportée à l'hospice de la Fouillouse, et Mme AUGIER a reçu l'hospitalité chez le sieur ALLARD, piqueur.
Prévenu aussitôt, M. le procureur général GAULOT est arrivé dans la nuit ; ce magistrat s'est rendu ce matin sur le champ du désastre avec M. le procureur impérial de Saint-Etienne et M. ALLUT.
Le choc a été si violent que la machine a été détachée, et, sous la forte impulsion qu'elle avait reçue, a suivi la voie jusqu'à Saint-Galmier, où on a pu l'arrêter. Le train de Paris n'a reçu aucune atteinte, et les employés de la machine eux-mêmes n'ont eu aucun mal.
La justice poursuit minutieusement son enquête.
Françoise FERRAND, cafetière, née à Meximieux (Ain) le 23 octobre 1821, domiciliée à Saint-Etienne (Loire), fille d'André et de Françoise MEUNIER, épouse de Joseph RODET, est décédée le 24 août, sur le chemin de fer près la gare à La Fouillouse (Loire).
André FERRAND, né à Fitilieu (Isère) le 24 août 1791, voiturier domicilié à Meximieux, fils de Jacques, tisserand, décédé à Fitilieu, le 21 décembre 1813, et de Marguerite BALY, s'est marié à Meximieux, le 27 janvier 1821, avec Josephe Françoise MEUNIER, née à Meximieux, le 20 germinal de l'an 6, fille de Jean, cultivateur, et de Françoise COCHET, décédés à Meximieux.
Mathieu HEURTIER, verrier, âgé de 50 ans, né à Saint-Etienne, domicilié à Saint-Just-sur-Loire (Loire), fils de Jean Baptiste Charles Joseph, et de Claudine Joséphine DUTREUIL DERHINS, époux de Catherine dite Anaïs MICHEL, est décédé le 24 août, sur le chemin de fer près la gare à La Fouillouse.
Jean Baptiste Charles Joseph HEURTIER, né à Saint-Etienne, le 25 mai 1789, étudiant en droit, demeurant rue de Roanne à Saint-Etienne, fils de Mathieu, juge de paix du canton du Chambon, et de Marguerite PRENAT, mariés au Chambon, le 23 juillet 1782, s'est marié le 8 février 1812, à Saint-Etienne, avec Claudine Joséphine DUTREUIL DERHINS, fille de Nicolas Jacques François, et de Catherine Julie PELATAN.
Jacques MONTAGNON, journalier, âgé de 52 ans, domicilié à Andrézieux (Loire), fils d'Antoine, époux de Catherine MASSET, dont le lieu de naissance et le nom de sa mère sont inconnus, est décédé le 24 août, sur le chemin de fer près la gare à La Fouillouse.
Jacques MONTAGNON, né le 26 avril 1807, à Saint-Julien-Vocance (Ardèche), cultivateur demeurant à Andrézieux, veuf de Marie JEZAN, décédée le 22 juin 1839, à Andrézieux, fils d'Antoine, cultivateur, et d'Antoinette REBÔT, décédée à Saint-Julien-Vocance vers 1810, s'est marié le 20 juin 1840, à Andrézieux, avec Catherine MASSET domiciliée et née à Andrézieux le 29 août 1815, fille de défunt Claude, voiturier, et de Catherine BIGOT, veuve de Guillaume DUMAS, décédé à Andrézieux, le 25 février 1838.
Antoine SABLIÈRE, négociant, âgé de 36 ans, né à Rive-de-Gier (Loire), domicilié à Saint-Etienne, fils de Jacques et d'Elisabeth PAGÈS, époux de Bénedicte HALDER, est décédé le 24 août, sur le chemin de fer près la gare à La Fouillouse.
Jacques SABLIÈRE, ouvrier verrier, domicilié et né à Rive-de-Gier, le 3 novembre 1801, fils de Benoit, cultivateur, décédé à Rive-de-Gier, le 16 vendémiaire de l'an 14, et de Jeanne CLAPISSON, demeurant à Rive-de-Gier, s'est marié à Rive-de-Gier, le 1er septembre 1823, avec Elisabeth PAGÈS, domiciliée et née à Rive-de-Gier, le 20 thermidor de l'an 8, fille de Philippe, propriétaire à Rive-de-Gier, et de Benoite MANTEL, décédée à Rive-de-Gier, le 29 avril 1816.
Il se peut qu'il y ait inversion des professions de Mathieu HEURTIER et Antoine SABLIÈRE.