On écrit de Ternay, près Saint-Symphorien-d'Ozon (Isère), 20 avril au Salut public de Lyon :
Le nommé Pierre COLLET vient de décéder à Ternay, à l'âge d'environ soixante-trois ans ; il fut sans doute descendu dans sa tombe ignoré de tous, si son nom n'eût eu vers 1840, un grand retentissement judiciaire dans toute la France. En effet, il figura comme l'un des principaux acteurs dans un drame émouvant dont on ne connaît d'analogue que la fameuse séquestration du sénateur CLÉMENT de RIS, vers les premières années de ce siècle.
La ville de Lyon se souvient sans doute encore de l'effroi que jeta au milieu de la cité la nouvelle de la subite disparition de l'un de ses plus honorables citoyens, M. Vincent MILLION, président du tribunal de commerce. Cet enlèvement, ou plutôt cet attentat, avait été commis par les nommés PONCET, COLLET et GERVAIS, tous trois natifs du Dauphiné et de la même commune, dans l'intention de mettre leur prisonnier à rançon.
Il faut savoir que depuis plus d'une année les conjurés, -si je puis me servir de cette dénomination, - éclairaient toutes les démarches de l'homme dont ils voulaient se saisir. Ils s’assurèrent que, chaque jour, à sept heures du soir, -on était en plein hiver, - M. MILLION venait quérir son fils au Collège-Lycée, dont celui-ci suivait les cours. Ce fut donc sous la voûte de ce même collège qu'ils se mirent en embuscade.
Ce fut là que l'attaque eut lieu. PONCET, doué d'une force prodigieuse, renverse le jeune fils d'un coup violent et transporte sous son bras M. MILLION qui, enveloppé de son manteau, ne peut opposer aucune résistance. Jeté dans un batelet amarré ad hoc à une plate bateau à laver, la victime n'osa appeler au secours, menacée qu'elle était d'être lancée dans le Rhône, si elle poussait le moindre cri !
Les trois complices descendirent le fleuve, débarquèrent nuitamment à Ternay, et après avoir bandé les yeux à M. MILLION, l'enfermèrent au fond d'une cave, où il fut attaché à une crosse plantée à la muraille. Là, PONCET, le menaçant d'une hache, l'obligea, sous peine de mort, à adresser une lettre à Mme MILLION. Cette lettre était conçue en ces termes :
Je suis prisonnier de gens qui m'assassineront si je ne leur compte une somme de dix mille francs. Envoyez-la, aujourd'hui, par une personne sûre. Cette personne devra arriver à Givors, à dix heures du soir ; elle traversera le pont, remettra l'argent à mes ravisseurs et je serai délivré ! Pas de police, pas de gendarmes, ma vie en dépend !"
Ce fut Pierre COLLET qui eut l'affreux courage de porter cette missive à la pauvre femme.
Mais pendant ce temps-là, d'autres évènements se passaient à Ternay. Un commandant du génie, frère du malheureux captif, à la tête d'une cinquantaine d'hommes, se livrait le long du fleuve à d'actives, de minutieuses recherches, et quoiqu'elles fussent restées sans résultat, elles avaient éveillé l'attention publique.
Le nommé BOUCHARDON, garde champêtre; ancien sous-officier, finit par apprendre la séquestration de l'infortuné négociant. Aussitôt, il court requérir la gendarmerie. La maison est cernée, la porte enfoncée, et PONCET qui, la hache levée, en défendait l'entrée, est forcé de se rendre en voyant quatre mousquets dirigés vers sa poitrine ! Les mêmes cordes qui naguère liaient les bras du pauvre prisonnier servent à serrer les poignets de son bourreau.
Conclusion. Ces trois misérables furent condamnés à vingt ans de travaux forcés ; deux y sont morts, et Pierre COLLET, lequel déjà avait eu à subir cinq années d'emprisonnement pour tentative de meurtre sur la personne de son père, fut le seul qui, après avoir accompli son temps d'expiation, put revenir dans son village. Du reste, ce malheureux, depuis quatre ou cinq ans qu'il était sorti du bagne, n'avait donné aucune prise sur sa conduite ; on assure même qu'il a fait une mort fort chrétienne.
Pierre COLLET, maçon, âgé de 60 ans, natif de Ternay (Rhône), fils de Pierre, et de Françoise RIVOIRON, époux de Louise Julie PERRIN, est décédé en son domicile, quartier du village à Ternay, le 19 avril 1863.
Pierre COLLET, charron, âgé de 30 ans, né à Annonay (Ardèche), domicilié à Ternay, fils des défunts François Claude, et Anne PERROT, de leur vivant, demeurant à Saint-Symphorien-d'Ozon (Rhône), s'est marié à Ternay, le 24 février 1806, avec Françoise RICOIRON, âgée de 26 ans, née et demeurant à Ternay, fille de défunt François, et de Marguerite PERRET, sage-femme, demeurant à Ternay. Les époux reconnaissent Pierre COLLET, né à Ternay, le 28 nivôse an 11.