Un évènement aussi douloureux qu'extraordinaire vient de causer la plus vive impression dans la petite ville de Saint-Jean-de-Luz.
Le 19 de ce mois, des pêcheurs espagnols aperçurent assez loin d'eux une barque à sec de voiles, et qu'à ses mouvements irréguliers ils jugèrent avoir été délaissée par son équipage. Ils se dirigèrent vers cette barque, et quelle ne fut pas leur surprise lorsque, en l'abordant, ils virent un enfant d'une dizaine d'années qui paraissait exténué par les privations et la souffrance, et se tenait cramponné au mât de cette barque !
Ayant reconnu, d'après quelques mots prononcés par l'enfant, qu'il était français, les pêcheurs espagnols, remorquant la barque abandonnée, firent voile sur le Socoa, où, dès leur arrivée, l'enfant qu'ils venaient d'arracher à une mort presque certaine a reçu tous les soins que sa triste position réclamait. Il a pu fournir alors les détails suivant sur sa navrante odyssée :
Il se nomme Frédéric SAVERIO ; il était né à La Tranche, dans la Vendée, et appartient à une famille de pêcheurs. Il y a quinze jours, son père partit de l'île de Ré pour aller pêcher, emmenant avec lui ses deux fils et un marin. La barque était éloignée de quatre ou cinq heures des côtes, lorsque le vent fraîchit, devint contraire, et empêcha les pêcheurs de regagner la terre.
Vers dix heures du soir, sur les instances de son père et de son frère, SAVERIO descendit dans la cabine et se coucha. La mer, en ce moment fort grosse, déferlait fréquemment sur l'embarcation.
Au point du jour, SAVERIO monte sur le pont ; le pont est vide ! L'embarcation, sans guide, est devenue le jouet des vagues ; le père de SAVERIO, son frère et le marin ont été enlevés du bord par un coup de mer.
Qui ne comprendra l'horrible douleur qu'a dû éprouver ce malheureux enfant en voyant la terrible solitude faite autour de lui, en songeant à la perte affreuse qu'il venait de faire, lui pauvre orphelin abandonné au milieu d'une mer en courroux, sans un être pour suppléer à son inexpérience et à l'impuissance de ses forces ! Quelle atroce situation ! Elle a duré quinze jours, pendant lesquels SAVERIO, après avoir épuisé les quelques provisions embarquées par le père, n'a vécu pendant plusieurs jours que de beurre, n'ayant pour étancher sa soif que quelques gouttes de piquette.
M. le sous-commissaire de la marine à Saint-Jean-de-Luz s'est empressé de faire toutes les démarches nécessaires pour assurer le retour de SAVERIO auprès de sa mère.
Frédéric SAVARIEAU, fils de Jean Narcisse, cordonnier, âgé de 23 ans, et de Véronique BOUDEAU, est né à La Tranche-sur-Mer (Vendée), le 26 décembre 1852.
Jean SAVARIEAU, cordonnier, né le 20 février 1829, à La Tranche-sur-Mer, fils de Narcisse, marchand, âgé de 44 ans, et de Rose FRÉMIT, demeurant à La Flotte (Charente-Maritime), s'est marié à La Flotte, le 19 novembre 1849, avec Véronique BOUDOT, domestique, née le 25 mars 1831, à La Flotte, fille de Jean Baptiste, perruquier, âgé de 54 ans, demeurant à La Flotte, et de Hélène Ester BERNARD, décédée à La Flotte, le 21 octobre 1841.
Narcisse Salomon SAVARIEAU, maître menuisier à La Flotte, où il est né le 21 nivôse de l'an 13, fils de Jean Salomon, marin, décédé à La Flotte, le 10 décembre 1818, fils de Pierre, et de Louise FAVEREAU, et d'Henriette PORSIN, s'est marié le 18 février 1828, à La-Tranche-sur-Mer, avec Rose FREMIT, lingère, née le 31 octobre 1795, à La-Tranche-sur-Mer, fille de René, propriétaire, et de Rose SENEVREAU.