Baptiste LARUE, appartenant à une humble mais fort honorable famille de cultivateurs des environs de Rambouillet, comparaissait hier devant le jury de Seine-et-Oise sous l'accusation d'attentat à la pudeur avec violences suivies de meurtre sur une jeune femme. Il a vingt-trois ans, il est marié. Sacristain de l'église de son village, il venait de sonner l'Angélus et regagnait sa demeure, lorsqu'auprès du calvaire du Coin-du-Bois, il rencontre une jeune femme conduisant un enfant par la main ; il la suit, l'accoste, se jette sur elle pour assouvir la plus brutale passion, et ne pouvant y parvenir, la tue d'un coup de couteau à la gorge. Quel mouvement subit l'a poussé ? Il explique naïvement lui-même : c'est la rage du désir, l'impatience de la résistance.
Cet Antony de village et de sacristie n'a pas une physionomie qui réponde à la violence de ses instincts. C'est une nature molle et béate : il a les couleurs roses d'une jeune fille et la voix douce d'une femme ; il répond en sanglotant aux questions qui lui sont adressées par M. le président, puis sa parole devient plus distincte et mesurée.
D. Vous savez quels sont les crimes odieux qui vous sont reprochés. Qu'avez-vous à dire ? R. Que je m'en repens bien, que j'ai bien pleuré ma faute, et que je demande pardon au bon Dieu et à la cour.
D. Cela ne suffit pas. Il faut dire vous-même à MM. les jurés ce que vous avez fait. Il y a dans votre conduite deux choses : un acte de lubricité brutale, un acte de férocité homicide. Racontez ce qui s'est passé comme vous l'avez fait dans l'instruction ? R. Voici comment le malheur est arrivé : Le 6 janvier, j'ai sonné l'Angélus à la chapelle de Greffier. En descendant sur la place pour rentrer chez moi, j'ai rencontré une femme qui portait une lanterne et était suivie d'un petit garçon. Je me suis arrêté près de la croix pour les regarder passer ; cette femme dit : c'est toi Baptiste ? Je reconnus aussitôt la voix de la dame BARROT, qui passe dans le pays pour être assez faible ... facile aux hommes. J'eus la malheureuse idée de la suivre, et j'allai jusqu'au chemin qui conduit au Coin-du-Bois.
Arrivé à la Marnière, je lui ai fait des propositions qu'elle a repoussées ; son petit frère marchait devant nous. Je l'ai prise par le bras amicalement, elle s'est laissé faire : j'ai renouvelé ma proposition, elle m'a encore refusé ; j'ai voulu la prendre à brassée, elle m'a échappé et s'est sauvée dans le champ. La lanterne s'est éteinte, j'ai couru après elle, et nous sommes tombés une première fois. Elle me disait : laisse-moi donc, LARUE, laisse-moi, LARUE ; si tu ne me laisses pas, je vais te fourrer mon couteau dans le ventre !
D. Et vous lui avez plongé le vôtre dans le cou ? R. J'ai frappé au hasard une seule fois.
D. Mais, dans tous les cas, le coup a été terrible, puisqu'il a suffi pour donner la mort ? Quel mobile a donc poussé votre bras ? R. Je ne puis pas vous dire au juste le sentiment qui m'a poussé à ce moment-là ... J'étais un peu pris de boisson, j'étais en outre hors de moi par le désir, et c'est probablement dans la rage de voir qu'elle ne voulait pas y céder que je l'ai frappée. (L'accusé verse des larmes.) Ce que je ne puis bien acertainer, c'est que je ne voulais pas la tuer. Elle est tombée, et, en tombant, elle a crié très fort : "A moi, Marie !" Je suis tombé en même temps qu'elle. Aux cris qu'elle a poussés, j'ai eu peur, je me suis relevé promptement et j'ai pris la fuite.
On entend l'enfant de huit ans qui accompagnait la femme BARROT. En voyant qu'on menaçait sa sœur de lui couper le cou, il est allé chercher son père, qui est arrivé trop tard.
Grâce à l'admission de circonstances atténuantes, LARUE a été condamné à vingt ans de travaux forcés.
Julie Ernestine VEILLARD, âgée de 19 ans et demi, née à Sonchamp (Yvelines), où elle demeure à Greffiers, fille de Théodore, manouvrier, âgé de 57 ans, et de Marie Alexandre Virginie FAUVE, journalière, âgée de 42 ans, épouse de Constantin BARROT, âgé de 40 ans, est décédée le 6 janvier 1863, à Sonchamp, hameau du Coin-du-Bois
Jean Baptiste Théodore VEILLARD, né à Sonchamp, le 19 prairial de l'an 13, journalier domicilié au Coin-du-Bois, fils de François, journalier, et de Geneviève HARRAULT, s'est marié à Sonchamp, le 24 mai 1841, avec Marie Alexandrine FAUVE, née à Orcemont (Yvelines), le 13 septembre 1820, demeurant à Greffiers, fille de François Marc, journalier, et de Marie Catherine Alexandrine COUSIN, décédée à Sonchamp, le 30 novembre 1822.
François VEILLARD, manouvrier, âgé de 32 ans, né à Sonchamp, fils de Nicolas, manouvrier, et de Marie Anne RUEL, domiciliés au Coin-du-Bois, s'est marié à Sonchamp, le 28 brumaire de l'an 10, avec Genevève HEURAU, âgée de 18 ans, née à Rambouillet (Yvelines), fille de défunt Etienne, journalier, et de Marie Louise GOBERT.